Jusqu'où aller sur internet ?

Il y a en ce moment en France une polémique qui se joue à propos d'une famille, parents d'une femme polyhandicapée grave (déficiences physiques et mentales, ne peut s'exprimer, ne dit que "maman", couchée quasiment en permanence, faisant plusieurs épisodes d'épilepsie). Cette femme a 32 ans, et ses parents ont créé un site sur internet, racontant la vie de cette femme, avec photos, témoignages, forums etc.
Passe encore.
Seulement, ils ont décidé de brancher une webcam 24h/24 ayant vue sur le lit de leur fille, où tout le monde pourra accéder via leur site.
Cette femme donc, n'a pas pu donner son accord pour être filmée ainsi, et il y a bien entendu un débat sur "il faut montrer le handicap, pour qu'enfin il soit reconnu", voire "elle a le droit d'être une star d'internet comme tout un chacun", et les contre (comme moi) qui pensent que au-delà de l'exhibitionnisme, on n'a pas le droit de diffuser les images d'une personne sans son consentement, d'autant plus que c'est le cas d'une personne mentalement déficiente.
Les "pour" mettent en avant le dévouement des parents (que je ne nie pas) qui s'occupent de leur fille depuis 32 ans, mais moi j'estime qu'ils n'ont pas le "droit" de s'arroger l'image de leur fille.
Certains font le rapprochement avec Jade Goody, cette jeune anglaise qui avait filmé son agonie au cours d'un cancer... ça n'est pas mieux, même si dans son cas elle était consentante...

Et vous qu'en pensez-vous ?

Je suis d'accord avec toi : c'est de l'exhibitionnisme et de la gloriole dans le meilleur des cas, l'exploitation financière du handicap dans le pire.

Passons sur le côté " star d'internet" qui est juste ridicule et que cette pauvre femme ne recherche certainement pas et pour cause !

Montrer le handicap pour le faire reconnaître, oui mais avec pudeur et en respectant les personnes, ce qui n'est certainement pas le cas ici. Quelle personne normale souhaiterait être filmée 24h/24 surtout avec toutes les misères qu'elle subit ? Quant aux spectateurs, ce n'est rien d'autre que du voyeurisme abject. J'essaie d'imaginer mon fils dans cet état, jamais je ne permettrais qu'on vienne se repaître de son malheur et si je pourrais accepter qu'il soit filmé pour un documentaire, ce serait en exigeant de pouvoir censurer toute image qui porterait atteinte à sa pudeur ou à sa dignité.

Je devine combien la situation doit être lourde à porter pour la famille mais ce sont des choses que des parents font tout naturellement tous les jours dans l'anonymat, sans chercher à en tirer avantage. Je leur laisse le bénéfice du doute : c'est peut-être de la stupidité plus que de l'intérêt ou du vedettariat mais je reste méfiante.

Quand à Jane Goody, j'avoue avoir eu de vrais doutes quant à sa maladie. J'ai eu tort, je le reconnais et si je trouve le moyen discutable, je peux comprendre ses motivations puisqu'il s'agissait ouvertement d'assurer un avenir à ses enfants en récoltant des fonds.

Reste enfin le débat sur ce qu'on peut montrer sur Internet et sur les motivations des amateurs de ce genre de spectacle. Nous n'en ferons pas le tour ici et la mise en place de limites susciterait une levée de bouclier des opposants à toute forme de censure.

Bien entendu les parents se gardent de tout intérêt financier, mais j'ai des doutes sur leur réelle motivation. Au delà du fait d'exhiber cette femme, je pense aux personnes sur le net qui n'ont pas forcément de bonnes intentions, guettant les images les plus glauques.

Il y a la netiquette qui veut qu'on ne puisse diffuser les images sans l'accord des personnes, qui est déjà outrepassée sur de nombreux blogs ou sur youtube. Bien entendu, les défenseurs du "il est interdit d'interdire" sur internet seront les premiers à hurler si "on" posait des limites... mais je pense pour ma part que c'est nécessaire - ça a déjà eu lieu (voir les procès sur facebook, la suppression de sites comme ceux notant les profs de lycée, etc).

Le problème, c'est qu'il est quasi impossible de couler en loi chaque cas particulier. Je crois que ce qui existe en matière de protection de la vie privée devrait suffire et que pour les cas délicats comme celui que tu évoques, il faudra toujours en passer par une décision judiciaire.

Pour ce qui est de la notation des profs, j'y suis tout à fait favorable et c'est organisé dans certains pays. Ici, à l'université, certains profs le demandent eux-mêmes à leurs étudiants dans le but de perfectionner leurs cours.
Ce qui n'allait pas sur Facebook, c'était le côté sauvage et règlement de comptes qui prévalait. Il ne faut pas l'interdire, il faut l'organiser et en expliquer les règles et les modalités.